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  • Photo du rédacteurBenjamin Bertrand

Le jour où j'ai regardé les Victoires de la Musique...


Un souper bien arrosé, une digestion lovée au fin fond du sofa et il ne m'en faut pas plus pour achever ce vendredi 8 février devant les Victoires de la musique millésime 2019. Juré craché on ne m'y reprendra plus.




On ne va pas se mentir. Les cérémonies de récompenses sont surtout l'occasion pour une profession de s'auto-congratuler et de mettre en avant leurs poulains de manière plus ou moins partiale et/ou artificielle. Ce qui n’empêche pas d'avoir parfois de beaux moments d'émotion. Concernant les cérémonies musicales, les anglo-saxons ont toujours un coup d'avance avec des shows épileptiques et des collaborations improbables.


Dans l'hexagone, on n'a pas de pétrole mais des idées. Et aussi de belles surprises et des poils qui se dressent. Comme en 1990 quand Gainsbourg est célébré (les larmes de Vanessa Paradis pendant son "Marylin et John") ou en 2002 avec le coup de gueule de Noir Désir contre sa maison de disque de l'époque Universal. Il y a aussi Bashung qui délivre un dernier message avec son "Résidents de la république" en 2002. Si aujourd'hui ces rendez-vous de la profession sont si aseptisés, c'est en partie à cause des dérapages de certains artistes. Le meilleur du genre reste à ce jour la version rallongée (au grand dam de Nagui présentateur de l’édition 2001) du "Jeune et con" du poète pas encore maudit Damien Saez. Ah les joies du direct!



Mais revenons en 2019. Vendredi 8 février donc. 21h00. Ou 21h10, le temps de caser 2 ou 3 publicités supplémentaires qui pour une assurance qui pour une bagnole. Daphné Burki a la lourde tache de mettre un peu d'ambiance dans cette longue soirée. Alors, même si tout n'est pas très fin ou simplement drôle, saluons ici l'effort de la maîtresse de maison bien épaulée par une réalisation sobre mais soignée. Un tunnel donc. Mais un tunnel plutôt éclairé.


Le hic, c'est que dans "Victoires de la musique", il y a le mot "musique". Et à ce titre, le téléspectateur attend donc de l'émotion, de la diversité aussi et du choix même. Un buffet de desserts pour tous les goûts en somme. Or cette nuit se joue sur le ton monocorde d'une pop urbaine synthétique et fadasse. Entre deux tapes dans le dos et remerciements convenus, on voit défiler des chanteurs en doudoune fluo escortés par leur bande de suiveurs en tenue de ski. Sur la forme, on pourrait presque apprécier le geste. Si le fond n'était pas si froid et insipide.


"La mélancolie c'est le bonheur d’être triste" écrivait un jour Victor Hugo. Est-ce une raison pour enchaîner les prestations plus larmoyantes les unes que les autres? Louane, Alain Chamfort, Tim Dup... On ne compte plus les titres mornes qui plombent une soirée qui n'en avait franchement pas besoin. Daphné Burki peut bien nous jouer son sketch de la machine à café, rien n'y fait. Même le génial Etienne Daho participe ce soir au naufrage. Et cerise sur le sundae, Chris (ou Christine and the queens) s'y met aussi avec sa "Marcheuse" suspendue qui ne décollera jamais. Du spleen oui. Mais tout un vendredi soir ?



Pour agrémenter cette sinistrose ambiante, France TV et ses partenaires nous proposent la nouvelle génération de la pop française. Pop urbaine ou des champs, pourquoi choisir? A grand renfort de boite à rythme et d'auto-tune (à petite dose mais peut-être trop petite pour masquer les faussetés n'est-ce pas Angèle ? ), nous avons donc le choix entre les rappeurs aux clichés tenaces ou les proprets à la mèche bien fixée.


Cette 34ème édition des Victoires me donne la chance de découvrir un groupe au nom aussi provocateur que leur titre phare. J'ai nommé Boulevard des airs et leur brûlot "Je me dis que toi aussi". Voilà la quintessence du vide de la chanson française à la télévision en 2019. Un groupe en semi-playback qui sautille partout pour masquer le néant abyssal de leur mélodie et l'absence totale d'émotion. Leur recette ? La même que les autres, à savoir une intro au piano aussi attirante qu'un plat de pâtes froid, une moustache pour le coté hipster et un texte "vrai" pour dire merci à la vie. "Palala palala palala palala".


Mais encore plus que ces fils spiritueux de Grégoire et de Vianney, le clou de la soirée arrive avec la consécration de la "Victoire Rock". Jeanne Added livre une prestation essoufflée et gesticulante de son titre "Radiate". Et à la fin elle gagne, face à Miossec notamment... Alors oui c'est vrai et c'est heureux, la musique évolue, les frontières entre les genres musicaux sont évidemment poreuses et on ne pourra jamais mettre un label sur tel ou tel artiste. Mais sauf à considérer que Coldplay ou David Guetta font du rock, on ne peut pas donner ce qualificatif à Jeanne Added. Ce n'est pas parce que tu portes un blouson noir et que tu sautes partout sur scène que tu fais du rock n roll.



Une lueur d'espoir dans toute cette soirée interminable, la prestation d'Orelsan. Son titre "Défaite de famille" met dans le mille. Ses paroles crues renversent quelque peu la table et ça fait du bien. Mais pour le reste, c'est toujours la même rengaine. Où est la pluralité des genres ? Où est la chaleur du live ? Sans surprise, ces Victoires de la musique ressemblent aux éditions précédentes. Un spectacle convenu, déconnecté de la réalité du paysage musical français (tellement plus riche que ce qu'on nous montre ce soir) et au fond inutile. Musique et télévision : un amour impossible ?





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